Cinéma

LE BRIO : dites-le simplement !

Faut-il dire toujours la vérité ? Qui oserait dire à un enfant la vieille de Noël que Père Noël n’existe pas ?

« Ce qui compte est convaincre, la vérité on s’en fout ».

Leitmotiv du long-métrage Le brio, réalisé par Yvan Attal, cette affirmation résume la clé du succès de l’orateur invincible tout en évoquant la célèbre œuvre du philosophe allemand Schopenhauer qui en 1831 publia un traité sur la dialectique éristique titré L’art d’avoir toujours raison.

Le film, diffusé sur France 2 il y a quelques semaines, raconte l’histoire de Neïla Salah, une jeune femme qui a grandi à Créteil et rêve de devenir avocate. Inscrite à la grande université parisienne d’Assas, elle se confronte dès le premier jour à Pierre Mazard, professeur émérite connu pour ses provocations et ses dérapages. Convoqué par les autorités de la faculté, pour se racheter une conduite, ce dernier accepte de préparer Neïla au prestigieux concours d’éloquence. D’abord placée sous le signe des préjugés, la relation entre le professeur et l’élève se mue en rapport complice et bienveillant, à mesure que l’un et l’autre apprennent à se connaître.

Pour qu’un discours soit convaincant, “il doit être rapide, efficace, naturel” préconise Mazard lors de leur première rencontre. Son contenu doit présenter un savoureux mélange qui combine soigneusement trois éléments : 

  • Logos, la raison qui donne forme à la pensée et contenu à la parole ;
  • Ethos, qui marque la posture de l’orateur, son caractère, sa manière d’être (voir de paraître)
  • Pathos, l’attention que l’on porte à l’auditoire afin de le séduire et convaincre.

Pour réussir donc à vaincre son opposant sur le plan argumentatif, Neïla doit à la fois apprendre à gérer ses émotions et s’exercer dans l’utilisation de toute une série de astuces rhétoriques. 

D’ailleurs “l’art d’avoir toujours raison” est un art qui concerne aussi l’espace, une place à prendre et à combler.

Comme lui montre Mazard, l’art de l’éloquence s’apparente à l’art du théâtre tout court. Une fois sur le plateau, peu importe si on est orateur, acteur, politicien, étudiant, ce qui compte est savoir affirmer sa présence, capter l’attention du public, se faire entendre.

Autrement dit : séduire par le jeu tout en étant sincère.  De cela l’importance de bien articuler les mots, moduler sa respiration, aérer son discours en lui donnant rythme et silence. 

Et pourtant, il y a des moments dans la vie où ça ne sert à rien de maîtriser l’éloquence. Même si l’on est professeur émérite dans une des plus renommées universités parisiennes, on n’est pas à l’abri des relations d’affection qui nous relient à nos proches. Et il n’y a aucun traité rhétorique qui nous apprenne à aborder certains sujets. 

« Quand on parle bien, on oublie parfois comment dire les choses simplement. »

C’est par ces mots que, vers la fin, Mazard bascule le leitmotiv du film de “l’art d’avoir toujours raison” à “l’art de vivre la vérité des émotions”, tout en révélant l’homme qui se cache sous le professeur.

Lorsqu’on est reconnaissant, amoureux, en défaut, lorsqu’on ressent de l’affection pour quelqu’un, les longs discours ne servent à rien, trouver des excuses ne peut que desservir, ainsi que proférer des détours pour expliquer une chose simple.

“Merci”, “je t’aime”, “tu me manques”, “Pardon”, …ça suffit. Et pas besoin d’avoir forcement des raisons pour l’affirmer.

Dans les relations restez simple ! 

©Eleonora Filippi

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